Léviathan (Thomas Hobbes)
Léviathan | |
Le frontispice du « Leviathan » est l'œuvre du graveur Abraham Bosse. |
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Auteur | Thomas Hobbes |
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Genre | Philosophie politique |
Date de parution | 1641 |
Pays d'origine | Angleterre |
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Le Léviathan, ou Traité de la matière, de la forme et du pouvoir d'une république ecclésiastique et civile, est une œuvre écrite par Thomas Hobbes, publiée en 1651, qui constitue un des livres de philosophie politique les plus célèbres. Il tire son titre du monstre biblique. Classique de la théorie du contrat social, aux côtés des œuvres notamment de Grotius, Locke ou Rousseau, cet ouvrage traite de la formation de l'État et de la souveraineté, comme le montre l'allégorie sur le frontispice représentant l'État composé des individus, tout comme le titre complet. Le Léviathan est divisé en quatre parties : « De l'homme », qui traite notamment de l'état de nature ; « De l'État », qui traite de la formation de ce dernier et des lois civiles (ou droit positif) ; « De l'État chrétien » ; et « Du royaume des ténèbres ».
État de nature
Hobbes discute la thèse d'un contrat social (au profit de celui de « pacte social ») et de règles venant d'un souverain. Profondément marqué par la Première Révolution anglaise (1641-1649) et la violence de la guerre civile, Hobbes développe, dans la première partie (« De l'homme »), l'idée selon laquelle, les hommes à l'« état de nature » cherchent uniquement à survivre, à assurer leur propre préservation, par tous les moyens nécessaires (théorie du « conatus », reprise notamment par Spinoza). Ils n'obéissent qu'à ce qu'il appelle leur droit naturel : le fait que chacun ait la liberté totale d'utiliser sa puissance par n'importe quel moyen afin de se préserver lui-même et de préserver sa propre vie. Ainsi, Hobbes explique que dans un tel cas, la société est en situation de chaos et de guerre civile, selon la formule bellum omnium contra omnes (« guerre de tous contre tous » en latin).
Outre cet argument, la première partie développe, de façon plus large, une anthropologie ainsi qu'une théorie du langage, conçu sous une forme expressive [1].
Le dernier chapitre (1, 16, « De la personne ») élabore une théorie de la représentation et de la personne morale en s'inspirant à la fois de l'étymologie du terme (persona, ou masque) et d'une théorie de l'acteur au théâtre. Il distingue ainsi « personne naturelle » et « personne fictive ou artificielle ». Ce chapitre permet la transition avec le premier chapitre de la IIe section, souvent constitué comme l'un des passages décisifs de l'ouvrage, voire son cœur même [2].
« Des causes, de la génération et de la définition de l'État »
Chaque individu étant présupposé rationnel, et poursuivant en priorité son propre intérêt, il en ressort que les hommes souhaitent naturellement sortir de cet état de nature mortifère, où personne ne peut gagner. Comme Hobbes le montre dans le célèbre chapitre 17 de la deuxième section (De l'État, ou On Commonwealth), intitulé « Des causes, de la génération et de la définition de l'État », quand bien même un individu serait plus fort que les autres, les plus faibles pourraient s'associer entre eux pour le détruire (II, 17). Dès lors, il est inéluctable que chaque individu décide de passer un contrat avec chacun des autres individus, afin d'abdiquer une part de leur pouvoir au profit d'une autorité commune, l'État, ou Léviathan, qualifié de « dieu mortel » en raison de son pouvoir absolu (d'où le frontispice célèbre, dessiné par Abraham Bosse). Seul ce dernier, en effet, est capable de garantir à tous la préservation de leurs vies et de leurs biens. Dit autrement, le gouvernement, selon Hobbes, doit découler d'un pacte de chacun envers chacun où tous cèdent au souverain leur droit de se gouverner eux-mêmes et leur liberté afin que la volonté du souverain ramène les volontés de tous les individus à une seule et unique volonté.
Suite de la deuxième partie
Dans la suite de la deuxième partie, « De l'État », Hobbes définit les lois civiles, les pouvoirs du souverain, et la liberté des sujets. Il y distingue trois types d'État : l'aristocratie, la monarchie et la démocratie (II, 19). Défenseur de la monarchie absolue[3], Hobbes considère ce deuxième type de régime comme le plus apte à assurer « la paix et la sécurité au peuple » (II, 19). « De la liberté des sujets » (II, 21) distingue la « liberté naturelle », qui est celle, pour un homme, de ne pas être empêché de faire ce qu'il veut faire, de la « liberté civile » : « La liberté des sujets réside donc uniquement en ces choses que, dans le règlement de leurs actions, le souverain s'est abstenu de prendre en compte. » C'est la théorie du « silence de la loi ». Celle-ci est compatible avec une puissance absolue du souverain, lequel ne saurait être limité par les lois civiles qu'il institue lui-même. Hobbes s'oppose ainsi aux républicains ou défenseurs d'une monarchie constitutionnelle qui, à l'instar d'Henry Parker, des Diggers ou des Levellers, souhaitaient limiter le pouvoir royal.
« De l'État chrétien »
La troisième partie est consacrée à la religion chrétienne. Hobbes y défend notamment l'idée d'une sujétion du pouvoir ecclésiastique, ou de l'Église, à l'État : il ne saurait y avoir qu'un seul souverain, puisque dans le cas contraire la discorde et, in fine, la guerre civile ne sauraient manquer d'advenir. La souveraineté est indivisible.
Éditions
Hobbes publie la première édition du Léviathan en anglais en 1651. Il le publie à nouveau, en latin cette fois, en 1668, mais ce deuxième Léviathan ne constitue pas une transposition fidèle du texte anglais publiée 17 ans auparavant. En effet, après les critiques d’athéisme et d’opportunisme qui lui furent adressées, ce nouvel ouvrage prémunit Hobbes contre toute accusation d’hérésie, en dotant d’une fonction doctrinale essentielle le refus de subordonner le pouvoir politique au pouvoir ecclésiastique. Le Léviathan latin a ainsi pour originalité l’accentuation de la dimension théologico-politique de son enseignement moral et politique.
Éditions modernes en français
- Léviathan, traduction Gérard Mairet Paris, Gallimard, 2000, coll. Folio, 6e édition 2009.
- Léviathan, traduction de l'anglais et notes par François Tricaud, Paris, Sirey, 1971.
- Léviathan, traduction du latin et annotations par François Tricaud et Martine Pécharman, Paris, Vrin, 2005.
Notes et références
- ↑ « l'usage général de la parole est de transformer notre discours mental en discours verbal et l'enchaînement de nos pensées en un enchaînement de mots » (Léviathan, I, 4)
- ↑ Lucien Jaume, « La théorie de la “personne fictive” dans le Léviathan de Hobbes », Revue française de science politique, no 6, , p. 1009-1035 (lire en ligne).
- ↑ Lloyd, Sharon A. et Sreedhar, Susanne, "Hobbes's Moral and Political Philosophy", The Stanford Encyclopedia of Philosophy (Summer 2013 Edition), Edward N. Zalta (ed.), URL = <http://plato.stanford.edu/archives/sum2013/entries/hobbes-moral/>.
Annexes
Bibliographie
- Gilbert Boss, La mort du Léviathan - Hobbes, Rawls et notre situation politique, Éditions du Grand Midi, Zurich, 1984.
- Lucien Jaume, « La théorie de la “personne fictive” dans le Léviathan de Hobbes », Revue française de science politique, no 6, , p. 1009-1035 (lire en ligne).
- (en) Tom Sorell (dir.) et Luc Foisneau (dir.), Leviathan after 350 Years, Oxford University Press, , actes d'un colloque qui s’est tenu à Londres en mai 2001.
- Anne Staquet, La ruse du Léviathan, Hermann, Paris, 2013.
- Emmanuel Tuchscherer, « Le Léviathan dans la doctrine de l’État de Thomas Hobbes : sens et échec du décisionnisme politique », Astérion, no 2, (lire en ligne).
Liens externes
- Léviathan. Traité de la matière, de la forme et du pouvoir ecclésiastique et civil (1651) traduction française intégrale sur le site Les classiques des sciences sociales (en version Word, PDF, RTF et HTML)
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