Francis Affergan
Francis Affergan est un anthropologue français, né à Oran le 12 mai 1945, spécialiste de la Martinique et des cultures créoles. Il a publié plusieurs ouvrages de réflexion sur l'anthropologie, son objet, ses méthodes[1]. Il est aussi poète.
Il est professeur à La Sorbonne (Université Paris Descartes) et membre fondateur du Canthel - Centre d'anthropologie culturelle[2] (EA 4545 - CANTHEL[3]) de l'Université Paris Descartes.
Il a publié entre autres, Martinique : les identités remarquables. Anthropologie d’un terrain revisité (Paris, PUF, 2006)[4], et Le moment critique de l'anthropologie (Paris, Hermann, 2012). Depuis le début des années 2010, Francis Affergan s'est orienté vers l'étude des conflits et des coopérations en milieu universitaire au Proche Orient, en Israël et Palestine en particulier.
Francis Affergan dirige avec Erwan Dianteill, Cargo[5] - Revue internationale d'anthropologie culturelle et sociale.
Anthropologie de la Martinique
Francis Affergan a commencé son terrain en Martinique en 1972 et il l’a achevé en 2011.
Après avoir étudié différents aspects de la société et de la culture martiniquaises, dont les combats de coqs, la sorcellerie, les modalités de la parole politique, les commérages, le carnaval, le sort réservé à la minorité indienne, il est parvenu à élaborer diverses catégories susceptibles de rendre compte d’une situation dont l’originalité le dispute à la complexité. Parmi celles-ci, le concept d’auto-domination afin de souligner le caractère désiré d’une société d’enfermement, indique qu’une logique d’acceptation de la loi française et de la citoyenneté est venue brouiller tout le paysage historique.
Les notions de race et de couleur, à la fois héritées de l’esclavage et entretenues par tous les acteurs, servent de grille de lecture, de repoussoir mais aussi d’intention dissimulée de créer des espaces séparés. Les catégories de discours et de récit étant entremêlées, elles donnent le sentiment que le langage fonctionne en circuit fermé, sur le mode de l’autoréférentialité désignant la plupart du temps les mots eux-mêmes et non la réalité à laquelle ils devraient renvoyer. Partant, c’est à une guerre métaphorique que se livrent les acteurs plus qu’à une tentative de trouver, ensemble, dans un consensus collectif formel, les voies d’une nouvelle approche historique et politique. Le Martiniquais est devenu trop mêlé à ce qu’il dénonce.
Par voie de conséquence, les problèmes cruciaux qui se posent aujourd’hui à la Martinique relèvent de deux ordres. Le premier réside dans l’incapacité de faire accepter par les autorités françaises le double objectif d’une égalité différentielle ou d’un différentialisme égalitaire, car un tel accouplement est immédiatement perçu comme une contradiction performative. Le deuxième ressortit à la question de la norme comme devant orienter les conduites et les représentations, ce qui entraîne la question de la culture comme force de captation de la société.
La discipline anthropologique
Le second volet des recherches que Francis Affergan a entreprises depuis une quarantaine d’années consiste en une réinterrogation des fondations de la discipline anthropologique. Il s’est demandé sur quels paradigmes la discipline s’était constituée. Par exemple, faute d’archives concernant de nombreuses sociétés, comment utiliser le traitement historique nécessaire à l’évaluation du problème de la temporalité qui y est à l’œuvre ? Or dans ces sociétés, le temps n’a pas toujours le statut d’objet historique.
Deuxième exemple, la catégorie de croyance, qui se trouve au fondement de la vie sociale et culturelle, et qui constitue, en cela, le noyau rigide des enquêtes, n’est pourtant révélée ni par l’observation ni même par les entretiens. Un tel obstacle ne pose pas que des problèmes d’ordre méthodologique, mais interroge aussi l’objectif épistémologique de l’anthropologie.
La question de la description pose, quant à elle, le redoutable problème de savoir si tout monde est descriptible et si tous les mondes donnés sont observables.
La difficulté que rencontre l’anthropologie à se constituer en science sociale relève sans doute de la question du statut des sujets dont elle examine les conduites et les récits. Un sujet relève-t-il d’une logique distributive ou collective ? Son unité tient-elle de son identité auto-attributive ou hétéro-attributive ? Et comment passer du « je » au « nous » et, de là, comment réintégrer le sujet ?
Enfin, Francis Affergan est en train de travailler sur l’hypothèse d’un dépassement de la logique symbolique qui a présidé à la constitution de l’anthropologie comme discipline en mesure de rendre compte des mécanismes représentatifs des mondes étudiés. Dans cette perspective, il avance une double hypothèse. N’y a-t-il pas des domaines où une logique de la présence serait à même de dépasser la logique symbolique du double monde, par exemple en anthropologie de l’art ? Mais, simultanément, il réfléchit à l’édification d’une logique de l’intentionnalité qui ne se réduirait pas à la visée de l’objet, mais plutôt à son intension, les choses sociales et culturelles ayant un sens (sinn) mais pas nécessairement une référence (bedeutung).
Poésie
Parallèlement à toutes ces activités, Francis Affergan a publié trois séries de poèmes dans la revue Po&sie (numéro 127 en 2009 numéro 141 en 2012 et numéro 150 en 2015).
Il prépare pour 2015 un recueil de poèmes destiné à ouvrir la voie à un autre langage que celui assigné à l’anthropologie.
Bibliographie
1983, Anthropologie à la Martinique, Paris, Presses de la Fondation des Sciences Politiques.
1987, Exotisme et Altérité, Paris, Presses Universitaires de France.
1991, Critiques anthropologiques, Paris, Presses de la Fondation des Sciences Politiques.
1997, La pluralité des mondes, Paris, Albin Michel.
1999, (sous la dir. de), Construire le savoir anthropologique, Paris, Presses Universitaires de France.
2002, Direction d'un n° d'Ethnologie française consacré aux "Outre-Mers : statuts, cultures, devenirs", Oct.-Dec.2002-4, Tome XXXII(Paris, P.U.F.)
2003, (et alli), Figures de l’humain, Paris, Éditions de l’EHESS.
2006, Martinique. Les identités remarquables, Paris, Presses Universitaires de France.
2007, "L'anthropologie cognitive existe-t-elle?" dans L'Homme, Revue française d'Anthropologie, n°184, Oct-Dec 2007:pp.85-106' '(Paris,Editions de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales)
2012, co-direction (avec E.Dianteill) du volume 62/2012-N°1 de l'Année sociologique consacré à Sociologie et Anthropologie. Convergences, croisements et dissonances (Paris, P.U.F.)
2012, Le moment critique de l’anthropologie, Paris, Éditions Hermann.
2015, Souffle accouru, Poésies, Paris, Belin
Notes et références
- ↑ PUF
- ↑ site du Centre d'anthropologie culturelle - Canthel (Université Paris Descartes Sorbonne)
- ↑ Présentation institutionnelle du Centre d'anthropologie culturelle – Canthel (université Paris Descartes Sorbonne)
- ↑ http://lhomme.revues.org/index9871.html
- ↑ http://www.canthel.fr/cahiers-du-centre-d-anthropologie,20.html
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