Satellite de reconnaissance
Un satellite de reconnaissance, ou satellite espion (en langage populaire), est un satellite artificiel, utilisé pour des applications militaires ou de renseignement. Ce type de satellite collecte généralement des informations sur les installations civiles et militaires d'autres pays au moyen d'un système optique ou radar pour des observations tous temps (à travers les nuages) ou de nuit.
Caractéristiques
Les satellites de reconnaissance permettent de cartographier un territoire et surtout d'identifier les installations fixes, les armes et les troupes. Ces satellites circulent généralement sur une orbite basse pour obtenir la meilleure résolution. L'orbite est souvent polaire pour balayer toutes les latitudes. Pour accroitre encore la résolution certains d'entre eux peuvent abaisser fortement leur orbite au-dessus de zones présentant un intérêt militaire particulier. La consommation d'ergols qu'entrainent de telles manœuvres et la nécessité de compenser la trainée subie dans une atmosphère plus dense entraine une durée de vie parfois très brève de quelques jours pour certains modèles qui impose des renouvellements constants. Ceci explique en grande partie le nombre très élevé de satellites lancés par l'Union soviétique. Au début de l'ère spatiale les images sont enregistrées sur des films argentiques qui sont récupérées lorsqu'une capsule détachable ou le satellite revient au sol. Cette technique est rapidement abandonnée par les États-Unis pour la transmission des données par voie hertzienne après numérisation des films avant le passage à la prise d'image numérique. La Russie utilise encore en partie la technique des films argentiques. La résolution qui était d'une dizaine de mètres pour les premiers satellites descend à quelques centimètres pour les satellites les plus performants. Pour pouvoir percer la couverture nuageuse ou prendre des images de nuit certains satellites de reconnaissance emportent non pas une caméra mais un radar. Une consommation importante d'énergie et une résolution faible ont longtemps freiné l'utilisation de ce type de satellite.
Les satellites de reconnaissance par pays
États-Unis
Ce sont les États-Unis d'Amérique qui furent les premiers, en 1960, à mettre en place un système d'observation de la terre par satellite pour pouvoir évaluer la menace des missiles balistiques intercontinentaux soviétiques. Le National Reconnaissance Office est chargé de leur conception et de leur opération. D'autres agences sont chargées de leur exploitation, notamment la National Geospatial-Intelligence Agency pour l'imagerie. Un service créé en 2008 puis supprimé en 2009, le National Applications Office devait permettre aux autorités locales d'avoir un accès plus large à ces satellites. Les États-Unis disposent du réseau de satellites de reconnaissance le plus complet. Les caractéristiques de ces satellites, dont le prix unitaire peut dépasser le milliard de dollars, sont couvertes par le secret-défense. Leur nombre a longtemps été moins élevé de leur grand rival, l'Union soviétique, du fait notamment de la différence de durée de vie.
- Satellites d'imagerie optique : Corona, Samos, Keyhole (KH), Misty
- Satellites d'imagerie radar : Lacrosse (Onyx)
Années | Désignation | Nom de code | Nombre | Optique | Notes |
---|---|---|---|---|---|
1959–1962 | KH-1 à KH-3 | Corona | Résolution: 7,5 m Focale: 0,6 m | Première série de satellites de reconnaissance américains ; les films photographiques sont éjectés vers le sol. Une seule caméra panoramique par satellite. | |
1960–1962 | – | Samos | Résolution: 30 à 1,5 m Focale: 0,7 à 1,83 m | La plupart des satellites renvoient leurs images par radio. Quelques éjections de films. Le programme a probablement été annulé pour cause de qualité insuffisante des photographies. | |
1962-1963 | KH-4 | Corona | Résolution: 7,5 m | Éjection du film. Deux chambres panoramiques. | |
1963-1969 | KH-4A | Corona | Résolution: 2,75 m | Éjection du film avec deux véhicules de réentrée. Deux caméras panoramiques. Volumétie importante. | |
1967-1972 | KH-4B | Corona | Résolution: 1,8 m | Éjection du film avec deux capsules de rentrée. Deux caméras panoramiques. | |
1961–1964 | KH-5 | Argon | Res: 140 m Focale: 76 mm | Éjection du film. Basse résolution et large couverture à des fins de cartographie. | |
1963 | KH-6 | Lanyard | Résolution: 1.8 m Focale: 1.67 m | Programme de courte durée destiné à l'imagerie de sites spécifiques. Éjection du film. Mêmes chambres photographiques que les Samos | |
1963–1967 | KH-7 | Gambit | Résolution: 0,46 m | Éjection du film avec une capsule de rentrée. | |
1966–1984 | KH-8 | Gambit | Résolution: 0,5 m | Éjection du film. | |
1971–1986 | KH-9 | Hexagon « Big Bird » | Résolution: 30 cm | Éjection du film avec quatre ou cinq capsules de rentrée. | |
Annulé en 1969 | KH-10 | Dorian | Manned Orbital Laboratory; station spatiale habitée. Programme annulé. | ||
1976–1995 | KH-11 | Crystal Kennan | Résolution: 0,15 m Miroir: 2,3 m | Premier satellite espion à imagerie numérique. Utiliserait un miroir primaire similaire à celui du télescope spatial Hubble. | |
1990—? | KH-12 | Ikon Improved Crystal | Résolution: 10 à 15 cm Miroir: 2,4 à 4? m | Imagerie numérique. Utilisable en basse lumière et jusque dans l'infrarouge (3 à 5 micromètres). | |
1999—? | KH-13 | 8X? EIS? | Résolution: 10 à 40 cm Miroir: 4? m | Très mal connu. |
Union Soviétique / Russie
URSS et la Russie ont les plus gros constructeurs et utilisateurs de satellites de reconnaissance. Deux grandes familles déclinées en de nombreuses sous-séries ont été utilisées : les Zenit et les Iantar. Depuis l'éclatement de l'Union soviétique début 1992, le pays peine à assurer une couverture continue.
Série | Date lancement | Nbre exemplaires | Masse | Durée de vie | Orbite | Résolution | Autres caractéristiques | Commentaire |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Zenit | 1961-1994 | 682 | 4,7 à 6,3 tonnes | de 8 à 15 jours | Orbite basse | Film argentique / retour de la charge utile sur Terre charge utile réutilisable | Nombreuses sous-séries | |
Iantar | 1981- | 177 | 6 à 7 t. | 2 à 9 mois selon version | Orbite basse | 0,5 m. | Film argentique / retour de la charge utile ou transmission numérique selon version | Nombreuses sous-séries |
Araks | 1997-2002 | 2 | t. | mois | Orbite basse | ? m. | ||
Persona | 2008- | 2 | t. | 7 ans[1] | Orbite basse | ? m. | ||
Kondor | 2008- | 1 | t. | mois | Orbite basse | ? m. | Satellite de reconnaissance radar |
Chine
Série | Date lancement | Nbre exemplaires | Masse | Durée de vie | Résolution | Orbite | Autres caractéristiques | Commentaire |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
FSW | 1974-2005 | 23 | ? tonnes | jusqu'à 24 jours | Orbite ? | Film argentique / retour de la charge utile sur Terre | Six sous-séries | |
ZY-2 | 2000-2004 | 3 | ? tonnes | ? ans | < 2 m | Orbite ? | Imagerie numérique | |
Yaogan (JB-6) | 2007- | 5 | ? tonnes | ? ans | ? m | Orbite polaire | Satellite optique | |
Yaogan (JB-5) | 2006-2010 | 3 | 2,7 tonnes | ? ans | ? m | Orbite polaire | Satellite optique | |
Yaogan (JB-3) | 2006-2010 | 3 | 2,7 tonnes | ? ans | ? m | Orbite polaire | Radar à synthèse d'ouverture | |
Yaogan (JB-7) | 2009-2013 | 4 | ? tonnes | ? ans | ? m | Orbite basse | Radar à synthèse d'ouverture |
France
Série | Date lancement | Nbre exemplaires | Masse | Durée de vie | Orbite | Résolution | Autres caractéristiques | Commentaire |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Helios | 1995-2009 | 4 | 4 tonnes | 5 ans | Orbite héliosynchrone | ~0,5 m. | Satellite optique | |
Pléiades | 2011-2012 | 2 | 900 kg. | 5 ans | Orbite héliosynchrone | 0,7 m. | Satellite optique | Usage mixte civil et militaire |
CSO | 2017 | ? | t. | ? | ? m. | Satellite optique | Deux satellites prévus en remplacement des Helios |
Allemagne
Série | Date lancement | Nbre exemplaires | Masse | Durée de vie | Résolution | Orbite | Autres caractéristiques | Commentaire |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
SAR-Lupe | 2006-2008 | 5 | 720 kg | 10 ans | Orbite héliosynchrone | Satellite radar | ||
SARah | 2017- | kg | ans | Orbite héliosynchrone | 3 satellites radar et 1 satellite optique doivent remplacer les SAR-Lupe |
Japon
Série | Date lancement | Nbre exemplaires | Masse | Durée de vie | Résolution | Orbite | Autres caractéristiques | Commentaire | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
IGS optique | 2003- | 6 | 850 kg - ? | ? ans | jusqu'à 40 cm | Orbite héliosynchrone | Satellite optique | Trois générations | |
IGS radar | 2003- | 5 | 1200 kg | ? ans | < 3 m puis 1 m | Orbite héliosynchrone | Satellite radar | 2 générations |
Israel
Série | Date lancement | Nbre exemplaires | Masse | Durée de vie | Résolution | Orbite | Autres caractéristiques | Commentaire |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Ofeq optique | 2003- | 6 | environ 190 kg | ? ans | Orbite basse | Satellite optique | ||
TecSAR | 2008-2014 | 2 | environ 260 kg | ? ans | Orbite basse | Satellite radar |
Autres pays
- La Turquie dispose d'un satellite de reconnaissance optique Göktürk-2 lancé en 2012. Sa résolution est de 2,5 mètres. La plateforme est développée par un consortium d'industriels turcs (TAI et TÜBI.TAK SPACE) et la caméra EOS-C est fournie par la société sud-coréenne SKCI[2],[3],[4],[5].
- Royaume-Uni : TopSat 1
- Italie : Cosmo-SkyMed
Références
- ↑ « Persona (14F137) spy satellite », sur www.russianspaceweb.com (consulté le 22 septembre 2015)
- ↑ Göktürk-2
- ↑ Image sur 1.bp.blogspot.com
- ↑ ntvmsnbc.com
- ↑ turquie-news.com
Bibliographie
- Jacques Villain, Satellites espions : histoire de l'espace militaire mondial, Vuibert, (ISBN 978-2-7117-2498-7)
Voir aussi
Articles connexes
- Satellite militaire
- Militarisation de l'espace
- Satellite artificiel
Liens externes
- (fr) Rapport d'information de l'Assemblée Nationale sur le 'renseignement par l'image' (juillet 2001)
- Portail de l’astronautique
- Portail du renseignement