Philosophie du droit
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La philosophie du droit (à ne pas confondre avec la théorie du droit, distinction opérée notamment par Hans Kelsen dans la "Théorie pure du droit") est l'étude et l'analyse des concepts et principes fondamentaux du droit et des lois. Discipline située à l'intersection entre philosophie, études juridiques et sciences politiques, elle est désignée, en anglais, sous le nom de « jurisprudence » ou de « legal theory »[réf. souhaitée]. Parmi les principaux courants de la théorie du droit, on peut citer le positivisme juridique, dont Hans Kelsen (1881-1973) a fourni les titres de noblesse, le droit naturel (Ronald Dworkin), le réalisme (le juge Oliver Holmes aux États-Unis ou Axel Hägerström en Suède), qui se rapproche parfois de la sociologie du droit, en mettant l'accent sur les pratiques effectives des acteurs juridiques. En France, la discipline est représentée en particulier par Michel Villey (1914-1988), Michel Troper, Paul Amselek ou Jean-François Kervégan.
Questions fondamentales de la philosophie du droit
La philosophie du droit analyse les questions fondamentales relatives au droit, par exemple:
- Qu'est-ce que le droit ?
- Qu'est-ce que le juste ?
- Quel est le rapport entre droit et justice ?
- Comment naissent les normes de droit ?
- Quelles sont les techniques d'interprétation du droit ?
- Quel est le fondement de la validité (de leur caractère normatif) du droit (voir le débat entre Hans Kelsen et Carl Schmitt, celui-là soutenant le « normativisme » et celui-ci le « décisionnisme ») ?
- Quel est le rapport entre morale et droit (et notamment le débat sur les droits de l'homme et le rôle des valeurs éthiques par rapport au droit positif, c'est-à-dire aux lois et textes réglementaires existants) ?
- Faut il s'opposer à la loi injuste ? (question pouvant se poser, par exemple, dans le cas des lois fascistes du troisième Reich).
Philosophie du droit et théorie du droit
La « philosophie du droit », terme qui provient des Principes de la philosophie du droit (1821) de Hegel, est souvent distinguée de la « théorie du droit » (Rechtlehre), bien que les critères utilisés diffèrent selon les auteurs, et que la distinction soit bien souvent difficile à mettre en œuvre.
On peut s'interroger sur la valeur du « du » : s'agit-il d'un « de » génitif, ou bien objectif ? En d'autres termes, est-ce la philosophie qui prend pour objet le droit, ou bien le droit qui exprime sa philosophie, ou encore, son esprit ? Il y a là, de fait, un enjeu qui est, pour reprendre l'expression de Kant, celui du conflit des facultés. La philosophie du droit, historiquement, ne se confond pas avec l'interprétation des normes juridiques, encore moins avec l'étude de la jurisprudence. C'est bien le philosophe, ou plutôt les philosophes, qui jugent le droit d'un point de vue qui se veut fondateur (ou refondateur) pour le droit lui-même. Selon cette conception, la philosophie du droit n'est pas une branche du droit, mais bien de la philosophie. Certes, cela n'oblige pas à souscrire aux propos de Kant lorsqu'il estime, dans sa Doctrine du droit, que le droit n'est en soi, indépendamment de la philosophie, qu'une belle tête, mais sans cervelle.
Or la question de la hiérarchie de valeur entraîne un problème, de nature logique, redoutable, que chaque philosophie particulière du droit tente, explicitement ou implicitement, de résoudre. Si la justice revient à hiérarchiser les différentes valeurs, à accorder à l'une une prééminence par rapport à l'autre, il faut donc évaluer la valeur respective des différentes valeurs. Or comment évaluer une valeur, qui n'est pas un contenu, mais une norme, du dehors de cette norme ? Il est évident que toute évaluation constitue en soi un jugement de valeur, et non de fait. Il faut, semble-t-il, supposer une valeur fondamentale, à laquelle toutes les autres sont subordonnées. (Voir en particulier Kelsen, mais aussi l'œuvre de Rawls, théorie de la justice).
La théorie du droit peut être assimilée, quoique de manière imparfaite, au positivisme juridique, principalement représenté par Hans Kelsen et sa Théorie pure du droit, qui essaie de fonder une véritable « science du droit » (fondement d'une théorie juridique et objective du droit), se voulant descriptive et non prescriptive (principe de neutralité axiologique). Elle se contente de dire, d'expliquer, d'exposer le droit tel qu'il est, et non de critiquer le droit existant au nom de valeurs éthiques ou d'opinions politiques subjectives. Selon le positivisme, les critiques sur le droit, et ce qu'il doit être, émanent de la position subjective des acteurs du droit et des politiques et non d'une question de vérité. En ce sens, le droit est bien normatif, repose bien sur une norme fondamentale, mais le savant n'a pas à faire siennes les normes qu'il étudie. En France, la théorie du droit se sépare désormais très nettement de la philosophie du droit par ses revendications non cognitivistes et elle est particulièrement développée autour du Centre de théorie du droit de Nanterre (Université Paris Ouest Nanterre La Défense), fondé par Michel Troper (voir notamment les travaux de Pierre Brunet ou Eric Millard), ainsi que du laboratoire de théorie du droit d'Aix-en-Provence (Université Paul Cézanne) (voir notamment les travaux de Christian Atias, Raphaël Draï ou Otto Pfersmann). Aux États-Unis on peut trouver les écrits de Oliver Wendell Holmes Junior qui est l'un des précurseurs de la philosophie du droit aux États-Unis d'Amérique.En Belgique l'un des précurseurs de la philosophie du droit est le philosophe René Berthelot.
Par contraste, la philosophie du droit peut être assimilée au jusnaturalisme, qui affirme qu'il est possible de connaître les principes moraux gouvernant le droit, et, par ce biais, d'enseigner ce que doit être le droit, ce qui doit être le juste. C'est une position soutenue, en France, par Alain Renaut.
Tradition anglo-saxonne
Aux États-Unis, l'influence de H. L. A. Hart (1907-1992) et de Ronald Dworkin éclipsent largement celle de Kelsen. Sous le terme de « legal philosophy », la théorie du droit anglo-saxonne relie étroitement philosophie du droit et jurisprudence. Selon ces auteurs, la jurisprudence se définit comme la théorie et la philosophie du droit [réf. nécessaire]. Les spécialistes de la jurisprudence, c'est-à-dire les « legal philosophers », désirent parvenir à une compréhension plus profonde de la nature du droit en étudiant le raisonnement juridique ainsi que le fonctionnement des institutions juridiques. En France, la tradition issue de Montesquieu peut être rapprochée de ce courant [réf. nécessaire].
Hart utilise notamment les outils de la philosophie analytique pour développer une approche spécifique du positivisme, courant qui a été critiqué par Dworkin, qui affirme le lien inhérent entre droit et morale.
Bibliographie
- Vicente de Paulo Barretto. Dicionário de filosofia do direito, UNISINOS, São Leopoldo, 2006. (ISBN 8-57431-266-5)
- Simone Goyard-Fabre et René Sève, Les grandes questions de la philosophie du droit, Presses Universitaires de France, 1er janvier 1993, 352 pages; (220 x 150 mm, (ISBN 978-2-13043-509-9).
- Éric Millard. Théorie générale du droit, Dalloz, 2006 (traduction italienne Giappichelli 2009).
- John Rawls, Théorie de la justice (1971), trad. par Catherine Audard, Paris, Seuil, 1987.
- René Sève, Philosophie et théorie du droit, Paris, Dalloz, 2007.
- Michel Troper, Philosophie du droit, PUF, Paris, 2003
Voir aussi
- Sociologie du droit
- Jurisprudence
- Jurisprudence des principes
- Jurisprudence des concepts
- Droit naturel
- Positivisme juridique
- Giorgio Del Vecchio
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