Conférence de Brazzaville
La conférence de Brazzaville a été organisée durant la Seconde Guerre mondiale, du 30 janvier au , par le Comité français de la Libération nationale (CFLN), afin de déterminer le rôle et l'avenir de l'Empire colonial français. À l'issue de cette conférence, l'abolition du code de l'indigénat est décidée. Au cours de la conférence, est notamment retenue la proposition, faite par Félix Éboué, d'une politique d'assimilation en faveur des colonies.
Contexte
Durant le conflit, l'Empire colonial a joué un rôle essentiel, par son basculement progressif dans le camp de la France libre. Après la fin de la campagne de Tunisie, l'intégralité de l'Empire colonial est réunifié au profit des forces de la résistance, à l'exception cependant de l'Indochine française, géographiquement très éloignée et toujours administrée par le gouverneur Jean Decoux, fidèle au gouvernement de Vichy.
Du fait du rôle propre de l'Empire, le CFLN se pose la question de son statut, alors que l'idée fédérale a fait des progrès. Le conflit, facteur de nombreuses difficultés pour les populations locales, a vu en Afrique française du Nord se développer les aspirations nationalistes et les tensions entre communautés, notamment en Algérie et en Tunisie. En outre, les Français doivent composer avec les États-Unis, qui ne font pas mystère de leur opposition au colonialisme. À Madagascar, les mois d'occupation de la colonie par le Royaume-Uni après l'invasion de l'île ont affaibli l'autorité des Français. René Pleven, commissaire aux Colonies au sein du CFLN, a à cœur d'éviter l'arbitrage d'un organisme international quant à l'avenir de l'Empire français[1]. C'est donc pour prendre les devants et préparer l'après-guerre qu'est organisée la conférence de Brazzaville, au Congo, en Afrique-Équatoriale française.
La conférence
Le CFLN avait initialement envisagé de réunir tous les gouverneurs de tous les territoires libres, mais doit y renoncer du fait des difficultés de communication liées à la guerre. La conférence réunit finalement les représentants administratifs des territoires français d'Afrique, autour du général de Gaulle et de René Pleven. Un programme a été envoyé deux mois à l'avance aux participants. Ceux-ci comptent 21 gouverneurs, 9 membres de l'Assemblée consultative, et six observateurs envoyés par le Gouvernement général de l'Algérie, et les Résidences générales de Tunisie et du Maroc. Aucun indigène africain n'y prend part, six envoyant cependant des rapports qui sont lus au cours d'une séance consacrée au problème de la coutume familiale et sociale[2].
Dans son discours d'ouverture, de Gaulle affirme la nécessité d'engager les colonies « sur la route des temps nouveaux » et semble également poser les fondements de l'Union française de 1946. De Gaulle déclare : « en Afrique française, comme dans tous les autres territoires où des hommes vivent sous notre drapeau, il n'y aurait aucun progrès qui soit un progrès, si les hommes, sur leur terre natale, n'en profitaient pas moralement et matériellement, s'ils ne pouvaient s'élever peu à peu jusqu'au niveau où ils seront capables de participer chez eux à la gestion de leurs propres affaires. C'est le devoir de la France de faire en sorte qu'il en soit ainsi[3]. »
Un ensemble de propositions est fait, concernant les questions sociales, économiques et administratives d'une part, et l'organisation politique d'autre part. Concernant les premières questions, les participants envisagent des transformations notables : il est décidé d'une ouverture de plus en plus large des emplois aux Indigènes,en réservant cependant pour l'instant les cadres de direction aux citoyens français ; une rémunération égale à compétence égale entre Européens et Indigènes est proposée ; ainsi que la notion de la liberté de mariage, pour faire progresser la liberté de la femme. Le développement de l'enseignement, la fin du travail forcé, et la création d'un système convenable d'assistance sociale figurent parmi les propositions les plus notables sur le plan social. Sur le plan économique, la nécessité d'encourager l'industrialisation des territoires coloniaux est soulignée. Dans le domaine administratif, diverses mesures de réorganisation sont envisagées, mais il n'est pas question de limiter le pouvoir des chefs de colonie, dont l'extension est au contraire proposée[4].
Sur le plan politique, la conférence est nettement plus conservatrice s'agissant de l'organisation politique de l'Empire français : si les termes de « Fédération française », de « personnalité politique » ou de « responsabilité politique » apparaissent, leur sens demeure ambigu. Le texte final, rédigé conformément aux souhaits du général de Gaulle, écarte cependant l'idée d'émancipation des colonies en repoussant, avant même de préciser ses recommandations, « toute idée d'autonomie, toute possibilité d'évolution hors du bloc français de l'Empire : la constitution éventuelle, même lointaine, de self-governments dans les colonies est à écarter ». Le texte impose que « les colonies jouissent d'une grande liberté administrative et économique. On veut également que les peuples coloniaux éprouvent par eux-mêmes cette liberté et que leur responsabilité soit peu à peu formée et élevée afin qu'ils se trouvent associés à la gestion de la chose publique de leur pays. » Est également préconisée la création d'un organisme nouveau, une assemblée fédérale qui devra, tout en respectant la liberté locale des territoires, « affirmer et garantir l'unité politique infrangible du monde français »[5].
Si la conférence de Brazzaville est vue comme l'un des signes annonciateurs de la décolonisation, elle constitue également, selon Pierre Montagnon, un « faux départ » de celle-ci[6]. Pour l'historien Xavier Yacono, la conférence, tout en préconisant de réelles réformes, se situe encore dans un contexte où la décolonisation demeure « impensable » et où « l'idéal demeurait toujours qu'un Africain français devînt un Français africain »[7]. Pour l'historienne Camille Lefebvre[8]
« La conférence de Brazzaville, ... promet aux habitants de l'empire progrès économique, social et politique sans qu'aucune mesure concrète soit décidée. »
Notes et références
- ↑ Xavier Yacono, Les étapes de la décolonisation française, Presses universitaires de France, 1991, page 52.
- ↑ Xavier Yacono, Les étapes de la décolonisation française, Presses universitaires de France, 1991, pages 52-53.
- ↑ Discours du général de Gaulle à l'ouverture de la conférence, 30 janvier 1944, Site de l'Université de Perpignan.
- ↑ Xavier Yacono, Les étapes de la décolonisation française, Presses universitaires de France, 1991, page 53.
- ↑ Xavier Yacono, Les étapes de la décolonisation française, Presses universitaires de France, 1991, pages 55-56.
- ↑ Pierre Montagnon, La France coloniale, tome 2, Pygmalion-Gérard Watelet, 1990, pages 76-80.
- ↑ Xavier Yacono, Les étapes de la décolonisation française, Presses universitaires de France, 1991, page 56.
- ↑ Op. cit. Lefebvre (2015) p. 558
Voir aussi
Articles connexes
- France libre
- Union française
- Histoire de l'Empire colonial français pendant la Seconde Guerre mondiale
Liens externes
- Discours du général de Gaulle à l'ouverture de la conférence, 30 janvier 1944, Site de l'Université de Perpignan
Bibliographie
- Camille Lefebvre, « Combattants, travailleurs, prisonniers : Les Africains dans le Guerre », Folio Histoire, Paris, Gallimard, série Folio Histoire, vol. 244 « La Guerre monde, 1 », no 244, , p. 527-564 (ISBN 978-2-07-044265-2, [extrait%20d’un%20ouvrage%20collectif résumé])
- Portail de l’histoire
- Portail des relations internationales
- Portail des années 1940
- Portail de la Seconde Guerre mondiale
- Portail du monde colonial
- Portail de la République du Congo